Mis à jour le 25/5/2018

Reims 1000-1600
Six siècles d'événements
Daniel Pellus

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1429 : la marche triomphale de Jeanne d'Arc d'Orléans à Reims
par
Daniel Pellus
L‘extraordinaire épopée commence le 23 février 1429. Le jour où, à
Domrémy, un petit village situé aux confins de la Lorraine et de la
Champagne, une jeune paysanne, Jeanne d’Arc, quitte sa famille et se
rend à Chinon «pour secouer la torpeur du roi de France». Comment s’y
prend-elle pour décider Charles VII et surtout ses capitaines à partir
en campagne avec comme premier objectif la libération d’Orléans,
assiégée depuis six mois, et comme deuxième objectif le sacre à Reims?
Jeanne réussit à convaincre le roi, dont les troupes libèrent
rapidement Orléans.
Jeanne d’Arc ne cesse alors de harceler le roi et
ses conseillers. «C’est à Reims, dit-elle, qu’il faut aller pour
couronner le noble dauphin. Car, quand il sera couronné et sacré, la
puissance de ses adversaires ira toujours en diminuant et ils ne
pourront nuire ni à lui, ni au royaume.» Mais les conseillers du roi
considèrent ce projet comme de la folie. «La chose paraissait téméraire
et impossible, reconnaît un historien. Il fallait traverser plus de
quatre-vingts lieues de pays occupés par les ennemis avec une petite
armée, sans fonds pour la paie des troupes, sans vivres, sans espérance
de s’en procurer qu’à la pointe de l’épée. Il fallait forcer plusieurs
places considérables qui se rencontraient sur la route, dont une seule
pouvait arrêter la marche pendant le reste de la campagne.»
L’expédition a finalement lieu. Elle se met en route
le 29 juin. Curieusement (ou miraculeusement) les villes tombent les
unes après les autres : Beaugency, Meung-sur-Loire, Auxerre. Le 4
juillet, la troupe est aux portes de Troyes, une ville qui pose un
problème : c’est là qu’a été signé, par la mère du roi, le traité qui
livrait la France aux Anglais.
De l’attitude des Troyens va dépendre la suite de la campagne. Si
l’envie leur prend de résister, tout sera perdu pour Charles VII, pour
Jeanne d’Arc et ses troupes, qui n’ont pas les moyens d’organiser un
siège au milieu d’un pays hostile. Mais les habitants de Troyes, après
avoir parlementé et fait semblant de résister quelques jours, ouvrent
leurs portes au roi.
Châlons-sur-Marne, informé du «retournement» des Troyens, suit sans
difficultés. La ville envoie même au devant de l’armée royale des
émissaires chargés de négocier son ralliement. Le 14 juillet 1429,
Charles VII entre dans la cité où il est acclamé.
Reste donc Reims, le but de l’expédition. Le gros
morceau. L’un des enjeux essentiels de cette guerre interminable. De
son attitude dépend aussi la réussite du défi lancé par Jeanne d’Arc.
Or tout n’est pas encore réglé. L’arrivée de l’armée du «roi de
Bourges» en Champagne est présentée d’abord aux Rémois comme un danger
par un conseil de ville plutôt pro-anglais qui ordonne de prendre
toutes dispositions pour soutenir un siège et appelle les gens du «plat
pays» à se retirer derrière les remparts.
Pauvres conseillers rémois! Ils subissent alors de
fortes pressions. Le roi d’Angleterre leur a écrit le 3 juillet pour
les exhorter à «garder leur fidélité». Il leur promet des renforts et
leur demande de soutenir son oncle le duc de Bedford. Le duc de
Bourgogne les appelle aussi à résister.
De son côté, le roi Charles VII a écrit aux Rémois
les 4 et 11 juillet, leur annonçant son arrivée «pour recevoir, selon
la coutume de nos prédécesseurs, notre sacre et couronnement». Il leur
demande «loyauté et obéissance» pour l’accueillir.
La ville est hésitante. On a peur des représailles
des Anglais. Mais on souhaite aussi, secrètement, en être débarrassé à
jamais et se rendre.
Dans la soirée du 15 juillet 1429, la nouvelle fait
le
tour de la vieille cité rémoise, d’une porte à l’autre, le long du
quartier de la cathédrale jusqu’aux abords de Saint-Remi : le roi de
France, le vrai, Charles VII, est à quatre lieues de là, au château de
Sept-Saulx, une énorme forteresse bâtie au xiie siècle et qui est la
propriété de l’archevêque de Reims! Il est accompagné d’une jeune
Lorraine qui semble diriger ses troupes et dont on parle déjà beaucoup
dans le royaume. La terreur des Anglais et des Bourguignons : Jeanne
d’Arc.
Une délégation se rend aussitôt à Sept-Saulx et
entame des pourparlers de soumission qui durent un bon moment et sont
laborieux. Pendant qu’ils se déroulent, Jeanne d’Arc, dit-on, prie à
l’église. Finalement, le roi signe des lettres de patente «par
lesquelles il abolit les peines, amendes et confiscations prononcées à
l’encontre des habitants de Reims en raison de leur désobéissance et de
leur connivence avec les Bourguignons et les Anglais».
En un mot, le roi passe l’éponge. Il pardonne
généreusement aux Rémois d’avoir collaboré avec les occupants... parce
qu’ils ne pouvaient faire autrement.
Extrait
de Reims
1000-1600 - Six siècles d'événements de Daniel Pellus. ©
Éditions
Fradet, 2007. Tous droits réservés.
| L'histoire de Reims

Jeanne d' Arc conduite auprès
de Charles VII. Martial d'Auvergne,
Vigiles de Charles VII. Paris, 1484.
BnF, Manuscrits occidentaux.
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