Dernière mise à jour
: 27/4/2018
Reims 1600-1800
Deux siècles d'événements
par Daniel Pellus

Simon Le Gras, évêque de
Soissons. Le siège épiscopal de
Reims étant vacant, c’est lui
qui présida la cérémonie
du sacre de Louis XIV.

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7 juin 1654
: le sacre de Louis XIV
par
Daniel Pellus
Lorsque le roi Louis XIII meurt, le 14 mai 1643, son fils, appelé à lui
succéder, n’a que cinq ans. Trop jeune pour être sacré roi de France.
La régence est assurée par sa mère, Anne d’Autriche, et par le cardinal
Mazarin. Le futur Louis XIV devra attendre l’âge de seize ans pour être
sacré et couronné.
Reims, ville des sacres, attend avec impatience
cette cérémonie, l’une des plus grandioses et des plus appréciées
depuis des siècles dans la cité, et apprend que sa date est fixée au 7
juin 1654. La Ville fait aussitôt un emprunt de 18000 livres, bientôt
suivi par un second de 4000 livres.
Le siège épiscopal de Reims étant vacant, c’est
l’évêque de Soissons, Mgr Simon Legras, qui sera appelé à présider la
cérémonie du sacre. Les préparatifs vont bon train. Il faut prévoir les
logements des princes et seigneurs qui vont affluer. On amène les
tapisseries destinées à la décoration de la cathédrale, la vaisselle
pour le festin qui doit suivre le sacre. En ville, les rues sont
repavées, les ponts consolidés, des décorations sont placées sur les
portes de la ville, quarante pièces de vin sont prévues pour abreuver
tout ce beau monde, et les poètes locaux sont invités à composer des
vers de bienvenue. Deux des vers retenus annoncent :
Tu dois être
sacré le roi
Non pas de
France mais du monde
Le roi et sa suite arrivent à Reims dans
l’après-midi du 3 juin. Les autorités de la ville vont à sa rencontre
jusqu’à hauteur du mont Saint-Pierre. Elles sont accompagnées de 300
habitants montés sur des chevaux. Deux mille arquebusiers font une haie
jusqu’à la porte de Vesle. Par la rue de Vesle, dont les maisons sont
parées de feuillages, le cortège se rend directement à la cathédrale,
où il est accueilli par des évêques et de nombreux prélats. Le roi se
rend ensuite au palais archiépiscopal où des appartements lui sont
préparés, pendant que les cloches sonnent, accompagnées de salves de
mousqueterie et de coups de canons.
La reine mère, Anne d’Autriche, est logée chez un
riche commerçant, Jean Maillefer, dans une belle maison construite non
loin de là, à l’emplacement de l’actuelle bibliothèque Carnégie.
Le programme des trois journées précédant le sacre
est chargé. Le 4 juin, le roi participe à la Fête-Dieu et à la grande
procession qui parcourt la ville. Le 5 juin, il se rend à Saint-Remi
avec les évêques et les seigneurs de la cour, puis à l’abbaye
Saint-Pierre-les-Dames. Et le 6 juin, il va à Saint-Nicaise où il
assiste à une messe.
Arrive enfin le jour du sacre. Le roi avait demandé
que la cérémonie commençât de bonne heure pour se terminer à midi, de
façon à ne pas retarder le festin royal. Les premiers invités se
présentent donc à trois heures du matin, et toutes les places sont
occupées à cinq heures! Le roi quitte alors l’archevêché et emprunte
une galerie couverte qui le mène jusqu’à l’entrée de la cathédrale.
Accueilli par Mgr Legras, il gagne le chœur où il prend place devant
l’autel. Entre-temps, quatre seigneurs sont allés chercher à la
basilique Saint-Remi la Sainte Ampoule, qui est posée sur l’autel.
L’évêque de Soissons, avec une aiguille d’or, tire un peu du baume
contenu dans la Sainte Ampoule et le mélange au saint chrême. Le roi
quitte son trône et va se prosterner devant l’autel, où il reçoit les
onctions pratiquées sur la tête, la poitrine, les deux épaules et à la
saignée des bras droit et gauche, tandis que les évêques chantent des
litanies.
C’est ensuite le couronnement. Mgr Legras prend sur
l’autel la couronne dite de Charlemagne. Elle est en or pur, surmontée
d’une rangée de fleurs de lys, avec des rubis, des saphirs et des
émeraudes. On la pose sur la tête du roi qui, sceptre et main de
justice en mains, est conduit jusqu’à un trône surélevé sur le jubé.
Au cri de «Viva Rex», les portes de la cathédrale
s’ouvrent pour permettre au peuple d’entrer. La musique du chœur se
mêle aux décharges de mousquets sur le parvis et aux acclamations de la
foule. Des pièces d’argent sont distribuées et des centaines d’oiseaux
sont lâchés. La cérémonie du sacre n’est pas terminée. Après le Te Deum
commence la messe pontificale. Puis c‘est le festin, servi dans la
salle du Tau. La table du roi y est dressée sous un dais, sur une
estrade, devant la cheminée.
Le lendemain, le roi se rend en cortège à Saint-Remi
où il assiste à une messe. Puis, conformément à une tradition qui veut
que le roi a le pouvoir de guérir les écrouelles, il va toucher les
visages des malades qui se pressent dans le jardin de l’abbaye, en
prononçant chaque fois le phrase rituelle : «Dieu te guérira, le
roi te touche». Cérémonie qui inspirera à Oudart Coquault ce
commentaire désenchanté : «Plusieurs commencent à en ressentir
soulagement. J’avais de longtemps attendu ce sacre, espérant la
guérison de mon fils aîné Jehan malade de ce mal. Mais il mourut en
octobre...»
Le roi quitte Reims le 18 octobre, pour se rendre à
Rethel, puis à Stenay.
Extrait
de Reims
1600-1800 - Deux siècles d'événements de Daniel Pellus. ©
Éditions
Fradet, 2005. Tous droits réservés.
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Le sacre des
rois de France
à Reims

Le sacre de Louis XIV
le 7 juin 1654 à Reims :
l’onction.

La reine mère,
Anne d'Autriche.
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